Abbaye de Florival. Introduction, suite
Jean-François et Marie-Christine Misonne, gelura@proximus.be
Dans l’ouvrage de Th. Ploegaerts, on cite très régulièrement des unités telles que : bonnier, journal, muid, florin etc… Et non pas : hectares, ares, litres, tonnes, kilos, euros… qui nous sont si familiers. Il est difficile de trouver les « grandeurs » réelles de ces anciennes unités, qui variaient d’ailleurs fortement selon les régions.
Ce chapitre est encore plus difficile à traiter avec rigueur que le précédent. Étant profanes en la matière, nous espérons à nouveau que de plus fins connaisseurs nous aideront à y voir plus clair.
Quelques idées quand-même, inspirées d’Omer Henrivaux, se basant lui-même sur B. Lefèbvre et autres. Il donne plusieurs exemples d’unités pour la « Belgique actuelle » : Namur, Brabant et en particulier Louvain, où les religieuses de Florival avaient des attaches importantes.
Pro memo : Les renvois à des numéros de pages se réfèrent à l’ouvrage de Théophile Ploegaerts.
Longueurs et surfaces : que valent le bonnier et ses divisions (journaux, verges…) ?
Les longueurs et surfaces s’exprimaient en pieds, verges, bonniers &c.
« 1 bonnier » = 4 journaux = 400 verges (1 journal = 100 verges). En abrégé dans l’ouvrage de Th. Ploegaerts : « 1 / 0 / 0 » = « 0 / 4 / 0 » = « 0 / 0 / 400 ».
P. 102 : « 14 bonniers à Florival, 31 bonniers à Ottignies, 3 bonniers à Ottenbourg, 3 journaux à Grez »
« 1 pied » (de « Louvain ») vaut 28,55 cm et est utilisé à Gembloux et à Jodoigne. (Celui de Nivelles vaut 27,70 cm, celui de Namur 29,45 cm etc.)
« 1 côté verge carrée » (longueur) = 16,5 pieds à Jodoigne mais 18,5 à Gembloux.
« 1 verge » (surface)= carré d’un « côté verge carrée ».
Donc : à Gembloux, « 1 côté verge carrée » = 18,5 pieds * 28,55 cm = 5,28 m. Et « 1 verge » = 5,282 = 27,9 m². Donc « 1 journal » = 100 verges = 100 * 27,9 = 2.790 m². Et donc « 1 bonnier » 4 journaux = 4 * 2.790 = 10.120 m2 = 1,12 ha.
De même, à Jodoigne, où 1 « côté verge carrée » = 16,5 pieds, on calculera que « 1 bonnier » = 0,89 ha.
À Namur, où « 1 pied » = 29,45 cm et « 1 côté verge carrée » = 16,5 pieds, on calculera que « 1 bonnier » = 0,94 ha.
Admettons (en ne partant que de des deux premières données de Jodoigne et Gembloux) que 1 bonnier = la moyenne de 1,12 ha et 0,89 ha, soit 1 bonnier = ±1 ha.
(On estime que précédemment 1 bonnier = ±1,4 ha ! Difficile par conséquent d’y voir très clair.
N.B. Bonnier peut encore s’écrire bonier avec un seul « n » et trouve son étymologie dans le mot wallon ‘bone’ « borne ».

Poids et volumes : que valent le muid et ses divisions (boisseaux, molevat, quartiers, setier, quartes, picotins…).
Les quantités de céréales ne s’exprimaient pas en « poids » mais en « volumes » (capacités).
« 1 muid » (à Namur) = 8 setiers = 32 quartes = 128 picotins = 241.9 litres.
Admettons donc que « 1 muid » = 240 litres.
Qu’en est-il dès lors pour les poids ?
En considérant que le poids spécifique du « blé » ne varie pas trop dans le temps, c.-à-d que 1 l = ±0,75 kg, on peut conclure que « 1 muid » = ±180 kg (de blé).
En valeur actuelle, 180 kg de blé valent approximativement 50 €. Mais peut-on comparer les prix de l’époque avec ceux actuels ? Bien sûr que non. Ce serait même dangereux et il suffit de penser aux bonds que font les prix du blé début des années 2022. Pensons également aux prix d’une brouette de sel ou de quelques bulbes de tulipes qui ont valu à une époque… le prix d’une maison.
On pourrait donc dire que « 1 setier » = « 1 boisseau » = 22,5 kg (1 muid/8 = 1 setier = 240/8 = 30 litres * 0,75 k/l).
Monnaies ?
Que valent le florin et ses divisions (sol et denier), l’écu, le pistolle ?
« 1 florin » (fl.) = 20 sols (ou sous) = 240 deniers (1 sol = 12 deniers). En abrégé dans l’ouvrage de Th. Ploegaerts : « 1-0-0 » « 0-20-0 » = « 0-0-240 »
« 1 pistolle ». Une fois on mentionne qu’elle vaut 10 florins, une autre qu’elle vaut 3,3 fl. Une autre encore que 1 pistolle = 10 fl. 10 sols (= 10,5 fl). Où est la vérité.
1 écu. On mentionne que 1 écu = 1 pistolle.
Rendements agricoles et valeurs des biens : Combien de kilos (unité inexistante à ces époques) de « blé » produisait un hectare ? Et combien de florins cela représentait-il (pour ne pas parler d’euros…) ? A combien de florins s’achetait un bonnier ? Etc.
P. 104 : Le setier de blé (n.d.l.r. 22,5 kg) est côté 1 flor. 4 sous = 1,2 fl. Donc, 1 kg de blé = 1,2 fl./22,5 = 0,05 fl. Aujourd’hui, au cours mondial, le kg de blé vaut ±0,25 €. Donc, et « à la très grosse louche » et en négligeant la remarque faite ci-avant, 0,05 fl. = 0,25 € et 1 fl. = ±5 €.
P. 105 : valeur de 14 setiers = 19 fl., c.-à-d. 19/14 = 1,4 fl./setier, soit à peu près ce qu’on vient de mentionner (1,2 fl./setier). Puisque 1 muid = 8 setiers, 1 muid vaut 8 * 1,4 fl. = ±11 fl.
N.B. On trouve plusieurs références disant que 1 boisseau = 12,5 litres, soit 2,5 fois moins que les 30 litres (22,5 kg) évoqués ci-dessus. Où est donc la vérité ? (N.B. Aux USA, le boisseau de blé vaut actuellement 27 kg.)
P. 59 : « des terres situées à proximité de l’abbaye ne rendent plus que deux setiers de céréales par bonnier« . Pour autant qu’on considère que 1 setier = 22,5 kg, cela signifierait « moins de 50 kg/ha », alors qu’à cette époque, on peut imaginer que les rendements normaux étaient de ±500 kg, soit dix fois plus (v. chapitre précédent). (Pour rappel, aujourd’hui ils atteignent régulièrement 10.000 kg/ha, appelés « 100 quintaux », le quintal valant 100 kg… Même si le mot ‘quinte’ évoque le chiffre « cinq » ; comme quoi, même de nos jours, nous ne sommes pas très conséquents dans nos unités.)
Biens & services :
Une fois de plus, peut-on se risquer à « convertir le florin en euros » ?
P. 30 : Les coûts (par an) pour une personne = 20 ou 40 fl.
P. 80 : En temps de pauvreté, le confesseur ne reçoit que 40 fl. par an et le chapelain 30.
P. 91 : Vers 1560 on estime que : « Il y avait alors 18 dames, 8 converses, deux novices et deux prêtres, dont l’entretien total coûtait 3.600 florins ». Soit 30 personnes et donc 120 fl./personne/an. À l’époque, l' »entretien » se limitait sans doute à bien peu de choses ; pas d’habits luxueux, peu de viande, pas de boissons coûteuses… Risquons-nous donc d’avancer un montant de ±2 €/j ou ±730 €/an, auquel cas 120 fl. = ±730 € et donc 1 fl. = ±5 € (toujours « à la très grosse louche » bien sûr….).
Vers le 16e S., « 20 livres » valaient à peu près « une modeste maison ».
P. 101 : « 1 livre censal » (à Nethen, Bossut, Archennes, Corroy-Ie-Grand, Jodoigne et Roux-Miroir), en chapons, setiers d’avoine, pains et deniers, estimés à : 100 fl.
P. 104 : Le coût d’une personne revient à 313 fl./an. Si 1 fl. = ±5 €, une personne coûterait ±4 €/j, ce qui paraît bien plus qu’attendu.
P. 130 : Il faut compter 716 fl. pour l’entretien des bâtiments + entretien des ±30 religieuses & converses + 12 domestiques + 3 servantes)
P. 130 : Un livre censal = 20 fl.
La valeur d’un bonnier (±1 ha) semble être de ±10 florins. (Mais est-ce sa valeur vénale… ou de sa production annuelle… ?)
La dot des religieuses est de 1.000 fl. (n.d.l.r. Soit plus de « 20 ans d’entretien », ce qui serait énorme.)
La valeur d’un moulin à l’abbaye de Florival est de 600 fl.
En résumé… il est compliqué de retirer des informations concrètes de ces données, en terme de comparaison avec nos unités actuelles.
Quelques liens Internet :
http://www.echarp.be/twcper13.php
https://www.ppsimons.nl/stamboom/maten.htm
Bibliographie, légende… Cliquer ici.
Commentaires : gelura@proximus.be, M.-Ch. & J.-Fr. Misonne.